Tribune

Les nouveaux modèles économiques de la livraison à domicile : comment les acteurs de la grande distribution peuvent tirer leur épingle du jeu 

22 juin 2023

Face à l’émergence de ces nouveaux acteurs et ces business models, comment les acteurs de la grande distribution peuvent-ils tirer leur épingle du jeu et rester compétitifs ?

Face à cette concurrence, les acteurs de la grande distribution ont cherché à s’adapter en créant des partenariats avec les plateformes de livraison pour proposer des services de livraisons express. C’est le cas de Carrefour qui en 2020 a noué un partenariat avec Uber Eats afin de lancer un service de livraison express en 30 minutes, puis s’est allié à Cajoo en 2021 (racheté par Flink en 2022) pour lancer Carrefour Sprint et concurrencer les acteurs du quick commerce. C’est également le cas de Auchan qui s’associe avec Deliveroo pour lancer « Deliveroo Hop » et « Auchan hop », permettant de livrer des courses en 10 minutes. Et ce grâce aux nouveaux magasins « Auchan Minute » – l’activité « dark stores » d’Auchan- pouvant aussi accueillir du public.  

Les résultats générés par ces partenariats ont été bien meilleurs qu’attendus. Par exemple, Carrefour et Uber Eats ont généré 100 millions de chiffre d’affaires en un an.  

Ces partenariats permettent aux enseignes de proposer des services de livraison express à leurs clients sans avoir à investir dans la logistique et les technologies associées. Ils leur permettent également d’atteindre une clientèle plus jeune et urbaine, avec de nouveaux modes de consommation et qui n’utiliseraient pas forcément les canaux traditionnels de livraison à domicile. 

Néanmoins, ces partenariats présentent également de nombreux risques que les enseignes de grande distribution doivent anticiper :  

  • Une pression supplémentaire sur les magasins physiques : afin d’être mis en avant sur les plateformes de livraison, les enseignes doivent avoir des indicateurs opérationnels excellents (taux de connexion, taux d’acceptation des commandes, taux de produits manquants…). Les magasins doivent s’assurer que les produits soient disponibles en quantités suffisantes pour répondre à la demande et d’avoir assez de « bras » pour préparer les commandes. Les magasins peuvent ainsi être sous pression pour gérer leurs stocks et pour avoir des personnes disponibles pour préparer les commandes dans les délais impartis. 
  • Un problème de rentabilité du modèle : en sous-traitant la livraison aux plateformes, les enseignes ne paient pas le coût de la livraison mais au prix d’une commission très élevée qui varie entre 15% et 25%. Les enseignes compensent cette commission en appliquant des prix plus élevés sur les plateformes. Cependant, pour se démarquer de la concurrence, les enseignes peuvent être tentées de proposer des promotions ou des prix bas, ce qui peut impacter leur rentabilité à long terme. 
  • Un risque en termes d’image : en proposant leurs services via ses plateformes, les enseignes perdent la maîitrise de leur marketing et la relation avec leurs clients. Elles peuvent donc être associées à des problèmes rencontrés par les plateformes de livraison, tels que des retards de livraison ou des erreurs de commande, ce qui pourrait entâcher leur image de marque. 
  • Un risque de perte de données clients : les plateformes de livraison peuvent collecter des données clients lors des transactions, telles que des informations de contact et des habitudes d’achat. Si ces données sont stockées sur les serveurs de la plateforme de livraison, les enseignes peuvent ne pas avoir accès à ces informations pour améliorer leur propre expérience client.  

Quelles solutions face à ses risques ?  

Pour pallier à ces risques et tirer leur épingle, les enseignes de grande distribution peuvent envisager plusieurs solutions : 

  • Améliorer ses propres canaux de livraison à domicile : aujourd’hui, la plupart des appels au service client des distributeurs concernent le drive et la livraison à domicile. Les distributeurs ne donnent pas assez de visibilité au client quant aux frais de livraison (qui dépendent du mode de livraison, du créneau de livraison, du montant des courses, etc…) et aux délais de livraison (peu de communication sur la livraison en temps réel…). Les distributeurs rencontrent également encore des problèmes de stocks et de complétude des commandes dans la mesure où ils n’ont pas d’assortiment dédié à la livraison à domicile.  
  • Proposer de nouveaux services de livraison à domicile : afin de fidéliser les clients, les distributeurs peuvent proposer des formules d’abonnement au service de livraison à domicile. Cela permet au client d’avoir accès à un assortiment sur lequel il peut payer moins cher et pour le distributeur de fidéliser le client mais aussi d’organiser au mieux sa livraison à domicile 
  • Améliorer l’expérience du client sur les plateformes de livraison : même si les distributeurs sont dépossédés du 1er contact et du « last mile experience » avec le client, certains leviers existent pour améliorer l’expérience du client. Ex : répondre à tous les commentaires négatifs sur la plateforme, offrir aux clients fidèles ou des nouveaux clients des petites attentions au quotidien (goodies, produits delottés…), appeler le client pendant la commande en cas de question afin « d’humaniser la relation »)  

Au final, même si les partenariats avec les plateformes de livraison s’avèrent rentables pour la plupart des distributeurs, ces derniers doivent les considérer avant tout comme des canaux d’acquisition et travailler en premier lieu sur l’amélioration de leurs propres canaux de livraison. 

(1) https://nielseniq.com/global/fr/news-center/2022/plus-vite-plus-haut-la-livraison-alimentaire-a-domicile-se-renforce-encore-en-2022/ 

Depuis 2020 et la pandémie de Covid-19, le marché de la livraison de courses à domicile a connu une forte croissance, avec une augmentation de 10% des ventes en 2022. (1)   Alors que le marché était principalement dominé par des acteurs traditionnels tels que Carrefour, Auchan et Leclerc, de nombreuses startups ont émergé ces dernières années avec des modèles économiques innovants tels que la livraison rapide en moins de 30 minutes (Uber, Deliveroo) ou en moins de 10 minutes (Flink, Getir, Frichti…). 

Cela est d’autant plus vrai que plusieurs risques pèsent sur les modèles actuels des quick commerçants et des plateformes de livraison :  

  • Une réglementation liée aux dark stores de plus en plus stricte  
  • Une inflation qui impacte fortement le pouvoir d’achat et le comportement des consommateurs : les clients risquent de se détourner de la livraison à domicile via les plateformes de livraison, où les prix sont beaucoup plus élevés qu’en magasin physique 
  • Un modèle qui rentre en contradiction avec l’appétence des français pour une consommation plus durable et respectueuse de l’environnement. La sensibilisation croissante aux questions environnementales pousse de nombreux consommateurs à reconsidérer leurs habitudes de consommation et à chercher des moyens de réduire leur empreinte carbone 

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